Partie 1 : Qu’est-ce que la motivation ?

Pourquoi se lève-t-on chaque jour ? Après tout, pourquoi ne pas rester au lit ? Qu’est-ce qui nous pousse à aller travailler ou encore à respecter certaines obligations comme le paiement de nos impôts ? Dans ce premier article de cette série sur le puzzle de la motivation, nous allons explorer les mécanismes de la satisfaction des besoins et des désirs en nous penchant sur cette question : qu’est-ce que la motivation ?

“Motivation”, nom féminin

Avant de rentrer dans le vif du sujet, commençons par définir clairement ce qu’on appelle la “motivation”.

“La motivation est l’ensemble des raisons, intérêts, éléments qui poussent quelqu’un dans son action et son comportement.” – Source : Larousse –

Autrement dit, il s’agit donc du rouage principal du mécanisme de satisfaction de nos besoins et de nos désirs. Gardons cette définition en tête pour le reste de l’article et penchons-nous tout d’abord sur les besoins.

Des besoins hiérarchisés

Qui dit “besoins”, dit forcément “pyramide de Maslow”. Rappelons brièvement ce modèle théorique proposé dans les années 40 aux Etats-Unis par Abraham Maslow, éminent psychologue américain.

La forme pyramidale repose sur un principe de hiérarchisation des besoins, la priorité est donnée aux besoins qui forment la base avant de pouvoir se concentrer sur les suivants.

Elle se lit de bas en haut, nous avons le premier besoin de base, les nécessités physiologiques (faim, soif, sommeil, etc..) qui, si elles ne sont pas satisfaites, empêchent la satisfaction de tout autre besoin. Chaque niveau de besoin peut uniquement s’accomplir si les niveaux de besoins précédents sont satisfaits : par exemple, chercher à être apprécié (besoin d’estime) n’a que très peu d’importance si notre environnement ne nous assure pas un minimum de stabilité (besoin de sécurité).

Comme on le voit ci-dessus, la pyramide de Maslow s’applique tout aussi bien au milieu professionnel. Il est donc relativement vain de chercher à ce que son travail soit reconnu s’il est impossible de travailler dans la sérénité. Voici donc les premiers indices qui nous permettent d’agir sur la motivation en milieu professionnel.

Cette hiérarchisation des besoins est essentielle pour comprendre les mécanismes de leur satisfaction, qui rappelons-le, est une partie de notre définition de la motivation.

Des besoins universels…

Comme nous venons de le voir, nos besoins sont hiérarchisés. Cependant, cela n’explique pas pourquoi, lorsque nous avons faim, certaines personnes vont choisir un steak/frites et d’autres plutôt se diriger vers des légumes et un fruit, les deux choix répondant pourtant au premier niveau de la pyramide de Maslow. C’est là qu’interviennent les travaux de Manfred Max-Neef, économiste chilien principalement connu pour son modèle de développement humain basé sur les besoins fondamentaux.

En plus de proposer sa propre liste des neuf besoins fondamentaux, Max-Neef, nous propose une matrice à 36 cases décrivant les composantes de ces besoins (voir extrait ci-dessous).

L’extrait de “la matrice à 36 cases correspondant aux 9 besoins fondamentaux de Max-Neef” ci-dessus, nous montre qu’il est compatible avec celui de Maslow, c’est qu’il esquisse la prise en compte de la dimension commune et partagée des besoins. Ainsi, pour répondre au besoin de subsistance, il faut également prendre soin de ce qui nous permet de le faire. Par exemple, pour subsister, il faut entre autre chose faire subsister notre environnement donc notre planète, ce qui peut esquisser un début d’explication de notre choix entre un steak/frites ou des légumes et un fruit si on prend en compte l’impact écologique de chacun de ces aliments 😉

… Mais des stratégies différentes

Au-delà des travaux ci-dessus, Manfred Max-Neef nous propose également cette hypothèse : “Les besoins sont universels à tous les êtres humains. Seules les stratégies pour les satisfaire varient d’une personne à l’autre.”

La pyramide de Maslow (pour ne citer que ce modèle théorique) est donc valable pour chacun d’entre nous, mais nous n’agissons pas de la même façon à son sujet. Par ailleurs, nous avons beaucoup plus tendance à communiquer et à montrer de l’importance à nos stratégies de satisfaction de besoin plutôt qu’à nos besoins. Dit autrement, nous accordons souvent naturellement plus d’énergie à chercher des solutions, voire à les expérimenter qu’à comprendre le “problème” que l’on cherche véritablement à résoudre. On comprend mieux pourquoi la différenciation orientation problème / orientation solution est, un axe fondamental du coaching. Prenons un exemple : Lorsqu’il ne s’agit pas d’un simple désir spinozien, “Range ta chambre” peut se traduire de façon un peu plus diplomatique en  “J’ai besoin que tu ranges ta chambre”, ce qui exprime une stratégie et non pas un besoin. Avez-vous trouvé à quel besoin dans la pyramide de Maslow correspond cette stratégie ?

Max-Neef nous propose une astuce relativement simple pour exprimer un besoin derrière une stratégie : dire “j’ai besoin de…” au lieu de “j’ai besoin que tu…”.

Essayons avec l’exemple ci-dessus, “J’ai besoin que tu ranges ta chambre” peut se traduire en “J’ai besoin de pouvoir entrer dans ta chambre sans trébucher sur un jouet” ou “J’ai besoin de pouvoir passer l’aspirateur facilement dans ta chambre”. Via cette simple astuce, nous nous rendons compte que le besoin exprimé est celui de la prévisibilité auquel le niveau “sécurité” de la pyramide de Maslow fait directement référence.

La motivation va donc agir sur les stratégies de satisfaction de nos besoins, c’est-à-dire nos actions et comportements, plutôt que directement sur nos besoins.

Les satisfacteurs

Qui dit stratégies différentes de satisfaction des besoins, dit également stratégies plus ou moins efficaces. C’est ce que Max-Neef (oui encore lui), nous explique via ce qu’il appelle les satisfacteurs.

Pour faire simple, considérons les satisfacteurs comme des “types de satisfaction”. Nous en dénombrons 5 types différents :

  • les satisfacteurs violateurs : prétendent satisfaire un besoin mais compliquent en réalité sa satisfaction. Ex : j’ai soif, donc je bois un soda, qui à cause du sel/sucre/caféine me laisse finalement plus déshydraté qu’avant de le boire.
  • les pseudos-satisfacteurs : prétendent satisfaire un besoin mais ont très peu voire pas d’effet dessus. Ex : si l’exploitation des ressources naturelles semble aujourd’hui répondre au besoin de subsistance, elle compromet à moyen terme la satisfaction de ce besoin.
  • les satisfacteurs inhibants : satisfont bien au-delà du nécessaire au point d’inhiber la possibilité de satisfaire d’autres besoins. Ex : une famille surprotectrice qui étouffe la possibilité pour l’enfant de se forger sa propre identité.
  • les satisfacteurs singuliers : satisfont un besoin en particulier, mais sont totalement neutres face aux autres besoins. Ex : cas particulièrement rencontré dans les actions de bénévolat.
  • les satisfacteurs synergiques : satisfont un besoin en particulier tout en participant à la satisfaction d’autres besoins. Ce sont les satisfacteurs idéaux car les plus efficaces. Ex : l’allaitement qui en répondant à un besoin de Subsistance du nourrisson va engendrer la satisfaction des besoins de Protection, d’Affection et d’Identité

Il nous est donc indispensable de prendre du recul sur nos stratégies de satisfaction des besoins, quand bien même certaines paraissent plus séduisantes que d’autres. Il  faut évaluer en premier lieu, le satisfacteur dans lequel elle s’inscrit, pour être capable d’en mesurer l’efficacité et donc à terme son impact sur notre motivation.

Des besoins, des stratégies, des satisfacteurs, et c’est tout ?

Si cette question est posée, vous vous doutez bien que la réponse est “non, ce n’est pas tout”, et à vrai dire c’est même très loin d’être tout. Pour comprendre cela, regardons un instant les travaux de Steven Reiss, psychologue américain, largement reconnu pour ses travaux sur les mécanismes de la motivation.  Afin de construire son propre modèle de compréhension de la motivation, Reiss a conduit la première étude scientifique internationale et multiculturelle sur le sujet. Contrairement à Max-Neef ou ses prédécesseurs qui se sont limités à la population occidentale pour leurs études, Steven Reiss a pris en compte des populations de toutes origines, niveaux sociaux et culturels, notamment en allant observer des tribus dites primitives.  Cela lui a permis d’esquisser son propre modèle autour des 16 désirs fondamentaux.  Là où un besoin est une quasi-nécessité vitale, un désir est un souhait très appuyé qui se suffit à lui-même (désir spinozien), ou qui existe par le simple fait qu’il constitue un manque (désir platonique). – cf l’excellente conférence de André Comte Sponville

 

Ce que nous apprend ce modèle en premier lieu, est qu’il confirme l’hypothèse de Max-Neef : les désirs et besoins fondamentaux sont universels à l’ensemble des êtres humains, peu importe leurs origines et cultures, nous avons en effet également tous en commun d’user de stratégies différentes pour chercher à les satisfaire.

Reiss ne s’arrête cependant pas là dans ses travaux, et explique, via son modèle, que les stratégies utilisées sont différentes du fait d’une priorité différente entre les désirs. Cette priorité change d’un individu à l’autre à cause de facteurs que l’on qualifie d’intrinsèques et extrinsèques.

En conclusion

Finalement, qu’est-ce que la motivation ? Tout simplement un mécanisme servant à satisfaire des besoins et prendre en compte des désirs. Comme nous l’expliquent les travaux de Maslow et de Max-Neef, puis nous le confirment les travaux de Reiss (pour ne citer qu’eux), les besoins fondamentaux sont universels. C’est-à-dire qu’ils sont les mêmes pour l’ensemble des êtres humains indifféremment de leur culture, niveau social ou origine. Cependant, les stratégies pour satisfaire ces besoins diffèrent d’une personne à l’autre, notamment en terme d’efficacité – ce que l’on a pu voir avec les satisfacteurs – mais également en terme de priorité, ce qui peut s’expliquer en grande partie par les facteurs intrinsèques et extrinsèques. Sujet que l’on approfondira ensemble dans le 2nd article de cette série autour du Puzzle de la Motivation. Stay tuned !

Jimmy RUNDSTADLER

Practice Leader Agilité et Software Craftsmanship