Comment fonctionne la motivation ?

Dans l’article précédent, que vous pouvez retrouver ici, nous nous étions posés la question “qu’est-ce que la motivation?”. Nous avons pu y répondre et comprendre que la motivation est avant tout un mécanisme servant à satisfaire des besoins et prendre en compte des désirs. Ces besoins et désirs sont universels à tous les êtres humains, mais nous utilisons des stratégies différentes pour les satisfaire. Une piste évoquée pour comprendre ce qui nous fait choisir une stratégie plutôt qu’une autre est celle du psychologue Steven Reiss : les facteurs intrinsèques et extrinsèques.

Dans ce second article de cette série au sujet du puzzle de la motivation, nous allons donc explorer le lien entre satisfaction et motivation et répondre à cette seconde question : comment fonctionne la motivation ?

Facteurs intrinsèques et extrinsèques

Qu’est ce que cela signifie ?

Steven Reiss, psychologue américain connu pour ses travaux sur la motivation, nous explique que le choix de stratégie pour satisfaire ses besoins et désirs, en d’autres termes la motivation, s’explique par des facteurs intrinsèques et extrinsèques, qui, pour vulgariser, peuvent être renommés de facteurs internes et externes.

Un facteur interne est un facteur propre à la personne, à sa nature. On y retrouve par exemple, des traits de caractère comme la curiosité, ou des désirs personnels comme la volonté d’entretenir de bonnes relations avec ses proches. Si un individu est motivé intrinsèquement pour une activité, il fera cette activité pour le seul plaisir que lui procure son exécution. Ce type de facteur est plutôt efficace à moyen ou long terme.

Un facteur externe est un facteur provenant d’un élément externe à une personne mais qui a un effet sur elle. On y retrouve par exemple, les récompenses comme les primes sur objectif ou l’effet de compétition, mais aussi les sanctions, contraintes et pressions sociales. Si un individu est motivé extrinsèquement pour une activité, il fera cette activité parce qu’il y est poussé par des éléments extérieurs ou pour une récompense que lui procurerait la réalisation de cette activité. Ce type de facteur est plutôt efficace à court terme.

Quel type de facteur privilégier ?

Nous avons donc d’un côté les facteurs internes qui sont propres à la personne, et de l’autre côté, les facteurs externes qui sont plutôt les éléments agissant sur cette personne. Douglas McGregor, professeur de management au MIT, pousse la logique de la polarisation des types de facteurs à l’extrême en nous proposant deux théories : la théorie X et la théorie Y.

Dans la théorie X, McGregor pose le postulat que seuls les facteurs externes sont à prendre en compte. Dans le cadre d’une entreprise, on considérera donc que l’employé n’aime pas travailler et fera le strict minimum suffisant pour ne pas avoir d’ennuis. On retrouve donc une logique de “Command & Control”, c’est-à -dire, que le manager donne ses ordres, l’employé les exécute, et le manager contrôle que ses ordres ont bien été exécutés. Bien que de nos jours, cette situation est loin de faire rêver, elle a cependant comme avantage de fournir un cadre sécurisant et paternaliste, en particulier pour les employés capables de peu d’autonomie.

Dans la théorie Y, McGregor pose le postulat que seuls les facteurs internes sont à prendre en compte. Dans le cadre d’une entreprise, on considérera donc cette fois-ci que l’employé aime travailler et recherchera les responsabilités pour s’épanouir et que la liberté d’innovation renforce l’adhésion et la motivation des individus. Les dispositifs de contrôle, sanction et récompense deviennent alors inutiles ou secondaires. Bien que la situation paraît plus appropriée que pour la théorie X, la théorie Y vient également avec son lot d’inconvénients : l’environnement, plus dynamique et plus favorable au changement fréquent, peut s’avérer très stressant, en particulier pour les employés avec un faible degré d’autonomie.

Pour favoriser le maximum de motivation et d’adhésion, il faut donc que le postulat posé sur l’environnement (orientation vers la Théorie X ou vers la Théorie Y de la part de l’entreprise) corresponde aux attentes et possibilités des employés. Aujourd’hui, les générations X, Y et Z ont tendance à confirmer une forte tendance à la préférence de la Théorie Y. Ces postulats différents conduisent à des conceptions et approches différentes du rôle du management, ce que l’on peut retrouver par exemple dans des mouvements tels que le management 3.0 ou les approches Agile.

Et si on privilégiait les deux types de facteurs ?

Opposer ainsi les deux types de facteurs est contre-performant, les facteurs externes et internes sont en réalité complémentaires. C’est ce que nous expliquent les travaux de Frederick Herzberg, psychologue reconnu pour sa théorie des deux facteurs. D’après ses travaux, les facteurs intrinsèques et extrinsèques ne sont pas à opposer sur une même échelle, mais à considérer comme deux échelles différentes qui agissent l’une sur l’autre. D’un côté, on retrouve l’échelle de la motivation où sont pris en compte les facteurs moteurs (=  intrinsèques), de l’autre, les facteurs d’hygiène (= extrinsèques) qui auront plutôt tendance à influer sur la démotivation ou l’insatisfaction. Quelque part entre ces deux échelles liées l’une à l’autre se présente un vide dans lequel s’inscrit à la fois l’absence d’insatisfaction et l’absence de motivation.

Par exemple, selon la théorie des deux facteurs, on peut ainsi être à la fois démotivé sans ressentir de réel motif d’insatisfaction ou encore être à la fois très motivé et très insatisfait (cas typique d’un management bienveillant dans une entreprise ayant une politique salariale très en dessous du marché par exemple).

L’objectif pour optimiser l’adhésion est donc de maximiser la motivation en mettant en avant les facteurs moteurs tout en limitant l’insatisfaction pouvant être provoquée par les facteurs d’hygiène.

Une explication suffisante ?

Et bien non, l’explication via cette complémentarité des facteurs moteurs et d’hygiène n’est encore une fois pas suffisante à elle seule. C’est la découverte faite par Edward L. Deci et Richard M. Ryan, deux professeurs en psychologie et science sociale, en travaillant sur les mécanismes de régulation de la motivation. Ceux-ci, en s’appuyant sur la théorie des 2 facteurs de Herzberg, modélisent leur découverte via le continuum motivationnel.

Dans le continuum motivationnel, les styles de régulation de la motivation peuvent être classifiés de façon à correspondre aux facteurs extrinsèques ou intrinsèques. 

Ainsi, seule la régulation intrinsèque, qui implique cette notion de plaisir procuré par l’activité en elle-même, correspond à la motivation intrinsèque, ce qui laisse assez peu de marge de manœuvre pour agir sur la motivation. Cependant, une bonne partie des styles de régulation correspond à la motivation extrinsèque, cela va de la régulation externe qui correspond au mécanisme de récompense et sanction, jusqu’à la régulation intégrée qui correspond aux valeurs de l’individu : l’activité, même si elle ne procure pas de plaisir en elle-même, permet d’être en adéquation avec les valeurs et l’identité de l’individu (ex : participer à une action de ramassage des déchets dans la forêt).

Via ce constat, on peut distinguer d’un côté les motivations contrôlées/contraintes, c’est-à-dire celles valorisées par les interlocuteurs ou les proches d’un individu et qui ont donc un effet indirect sur l’individu, et d’un autre côté les motivations autonomes, c’est-à-dire celles valorisées directement par l’individu lui-même.

La marge de manœuvre laissée par la prise en compte des motivations autonomes étant plus grande que celle laissée par la seule prise en compte des motivations intrinsèques, il sera plutôt judicieux de travailler sur les motivations autonomes qui sont finalement le cœur du fonctionnement des mécanismes de la motivation afin de favoriser l’adhésion et l’engagement.

En conclusion

Bien qu’il reste beaucoup à découvrir sur le sujet, la motivation, mécanisme qui rappelons-le, sert à satisfaire des besoins et prendre en compte des désirs, comme nous l’avons vue dans le premier article, a finalement un fonctionnement assez simple à comprendre, bien qu’extrêmement complexe à maîtriser. Au-delà de la simple prise en compte des facteurs intrinsèques et extrinsèques, qui à vrai dire sont complémentaires, il convient plutôt de prendre en compte les motivations autonomes comme base de travail visant à favoriser l’engagement. Attention cependant à ne pas négliger pour autant les motivations contraintes ou contrôlées au risque de générer de l’insatisfaction.

Pour cela, certaines approches comme Agile ou encore le management 3.0, via leurs états d’esprits très centrés sur l’humain, fournissent quelques outils ou pratiques utiles à l’introspection de nos propres motivations. Pour ne citer qu’un seul des ces outils, on pourra par exemple, avec quelques précautions élémentaires comme s’assurer que l’individu concerné est d’accord pour faire une introspection et parler de ses propres valeurs, s’intéresser aux Moving Motivators, jeu de cartes proposé par Jurgen Appelo dans le cadre de l’approche du “Management 3.0”.

Jimmy RUNDSTADLER

Practice Leader Agilité et Software Craftsmanship